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Protection des mineurs sur Internet : bientôt Instagram pour les enfants ?

Une très grande majorité des adolescents possède un compte sur un ou plusieurs réseaux sociaux. Outil de socialisation désormais largement déployé, les réseaux ont conquis le coeur et le téléphone des adolescents. Cette tendance à l’hyper-connectivité atteint des publics de plus en plus jeune bien qu’en théorie l’accès à ces sites soient proscrits pour les moins de 13 ans. A ce propos et quoique l’on en pense, la présence d’enfant sur les réseaux sociaux est aujourd’hui anodine. Cela soulève de nombreuses questions sur la protection des mineurs sur internet dont le dispositif est perpétuellement optimisé.

En ce sens, Instagram plancherait actuellement sur une version de son réseau pour les moins de 13 ans. Initiative pour le renforcement de la protection des mineurs en ligne ? Extension du marché des réseaux à des utilisateurs toujours plus jeunes ? Legalissimo tente aujourd’hui de répondre à ces questions en se focalisant sur le régime juridique de la protection des mineurs sur Internet.

Cadre légal de la protection des mineurs sur internet :

Les mineurs font l’objet d’une double protection juridique sur internet. Ils se voient effectivement protégés en matière pénale ainsi qu’en matière de collecte de données.

La protection des mineurs sur internet par le droit pénal

L’utilisation des réseaux sociaux dans le cadre des infractions sur des mineurs constitue tout d’abord une circonstance aggravante. De plus, il existe une obligation de protection du mineur vis à vis des contenus sensibles.

L’utilisation des réseaux à l’encontre des mineurs : une circonstance aggravante

Nous pouvons souligner en premier lieu que le droit pénal érige en tant que circonstance aggravante le fait d’avoir recours à un réseau de télécommunication pour perpétrer des crimes et/ou des délits à l’encontre des mineurs.

C’est le cas par exemple de l’article 227-22 du Code pénal qui prévoit une aggravation de peine concernant la corruption du mineur. Initialement punie de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, la peine est portée à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amendes lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation d’un réseau de communication électronique.

Dans le même sens, l’article 227-22-1 du Code pénal puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique.

A propos de la diffusion de l’image ou de la représentation du mineurl’article 227-23 du Code pénal dispose quant à lui « les peines sont portées à 5 ans et à 75 000 euros d’amende lorsqu’il a été utilisé […] un réseau de communications électroniques ».

L’obligation de protection du mineur vis à vis des contenus sensibles

Au delà des actes commis directement à l’encontre des mineurs, le droit pénal consacre une obligation de protection des mineurs à l’égard des contenus dits sensibles.

L’article 227-24 du Code pénal pose notamment une infraction pour le fait « de diffuser un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique […] ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur« . La peine encourue s’élevant alors à 3 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Il existe donc une obligation de résultat pour l’éditeur de contenus. Ce dernier doit faire en sorte que les mineurs n’accèdent pas à des contenus préjudiciables.

Cette obligation s’impose aux éditeurs de contenus mais aussi, dans une certaine mesure, aux fournisseurs d’accès à internet et autres intermédiaires techniques tels que les hébergeurs. La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) vient appuyer cela. Elle rappelle que la communication par voie électronique, libre en principe, se voit limitée dans la mesure du respect de la dignité de la personne humaine.

Ainsi, il n’existe pas, pour les fournisseurs d’accès à internet et les intermédiaires techniques, d’obligation générale de surveillance ou de recherche de contenus illégaux qu’ils pourraient transmettre ou stocker.

Toutefois, ils doivent mettre en place des dispositifs de signalement accessibles et visibles permettant aux utilisateurs de porter à leur connaissance la présence de contenus illégaux. Ils doivent, de plus, rendre inaccessibles ces contenus dès lors qu’ils en ont connaissance. Enfin, les fournisseurs d’accès sont tenus d’informer leurs abonnés de l’existence de systèmes de contrôle parental. 

La protection des mineurs de moins de 15 ans en matière de collecte de donnée

En matière de collecte de données personnelles, le considérant 38 du règlement général sur la protection des données (RGPD) affirme que « les mineurs méritent une protection spécifique en ce qui concerne leurs données à caractère personnel parce qu’ils peuvent être moins conscients des risques, des conséquences et des garanties concernées et de leurs droits liés au traitement des données à caractère personnel.»

Le RGPD laisse aux Etats une marge de manœuvre afin de déterminer l’âge à partir duquel l’enfant peut consentir seul au traitement de ses données personnelles. L’article 8 posant ce seuil à 16 ans, il laisse aux États membres la liberté de descendre jusqu’à 13 ans. En France, l’article 45 de la loi informatique et libertés fixe cet âge à 15 ans.

En dessous de 15 ans, le responsable de traitement devra alors recueillir un « double consentement » : celui du mineur et celui de la personne exerçant l’autorité parentale. De plus, comme le souligne Amanda Dubarry dans un article sur ce thème, cette protection s’applique particulièrement aux traitements visant les enfants à des fins marketings, pour la création de profils utilisateurs sur les réseaux sociaux ou sur des plateformes de jeux vidéo en ligne.

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Un arsenal législatif complété par un dispositif constamment optimisé de protection des mineurs sur internet

L’arsenal législatif que nous avons pu développé se voit complété par un dispositif plus large et constamment optimisé de protection des mineurs. Ce dispositif se constitue notamment par une prévention des mineurs et des mécanismes de contrôles parentaux classiques. Par ailleurs, on remarque aussi que les médias, eux-mêmes, évoluent afin de se conformer à un public jeune.

Prévention des mineurs et contrôle parental classique

La prévention des mineurs aux risques d’Internet

Comme le souligne l’avocate Murielle Cahen dans un article à ce sujet, « certaines formes d’infractions, telles que les atteintes à la vie privée, l’intégrité ou des escroqueries pourraient être stoppées à la source grâce à une sensibilisation plus massive des mineurs« .

Une telle sensibilisation nécessite alors la mise en place de différentes mesures. A ce propos, l’école constitue un lieu parfaitement adapté à la prévention. Ainsi, la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République impose des actions de sensibilisation liés à l’utilisation d’Internet et des réseaux.

En ce sens nous avons pu assister au déploiement du B2i (Brevet information et internet) à partir de décembre 2013 dans les lycées. Ce dernier a vocation à évaluer les compétences des élèves dans différents domaines tels que la communication ou le travail en réseau mais aussi à la responsabilité sur Internet.

Les autorités gouvernementales ont aussi lancé la plateforme Pharos. Cet outil de signalement des cyberinfractions comporte une série de conseils à destination des parents pour la mise en œuvre de la protection sur internet des mineurs.

Prévention et contrôle parental classique

Tout naturellement, une prévention parentale reste un moyen redoutablement efficace pour sensibiliser les enfants aux dangers d’Internet. Dialogue et pédagogie seront de mises afin d’éduquer l’enfant aux risques liés à l’usage des outils numériques. Pour cela, il ne faut pas négliger le fait de se tenir informé afin de ne pas se voir dépasser par l’évolution de ces outils.

De plus, il existe des mécanismes de contrôle parental. Compléments à la présence parentale, ils ont pour rôle de filtrer les contenus indésirables selon les paramètres établis par les parents. De tels logiciels permettent  aussi permettre de limiter la durée et les horaires de connexion de l’enfant. Ils peuvent aussi bloquer l’accès à certaines informations à caractère personnelle ou encore restreindre leur saisie.

La majorité des ordinateurs, tablettes ou autres téléphones portables prévoient désormais la possibilité d’activer un contrôle parental.

La création de nouveaux médias spécialement pour les enfants

Enfin, les dispositifs de protection des mineurs sur internet ont récemment connu une nouvelle évolution. Ces dernières années, on remarque effectivement l’émergence de nouveaux médias spécialement conçus pour les enfants.

Des navigateurs web pour les plus jeunes

En premier lieu, nous avons pu assister à l’apparition de moteurs de recherche conçus pour les enfants. A l’échelle nationale, nous pouvons notamment citer Xooloo.fr. Il consiste en un « portail pour enfants dont l’ensemble des sites référencés sont analysés et vérifiés par une équipe de documentalistes » nous apprend Amandine Caniard dans un article pour France 3. Garanti sans risque, ce portail permet alors aux enfants de trouver plusieurs milliers de sites correspondant à leurs centres d’intérêt.

Dans une démarche plus éducative, QwantJunior.fr se démarque par son adaptation au système scolaire et sa sécurité. Dépourvu de dispositif de traçage ou de publicité, sans accès aux sites pour adultes, il garantie d’autant plus un respect de la vie privée en ne conservant aucun historique de recherche. Il propose par ailleurs des options ludiques telles que des tests de connaissances ou des actualités ciblées en fonction de l’âge de l’internaute.

Enfin, lancé en 2016 et surnommé le  » Google des enfants « , Kiddle.co vient proposer des services similaires. Ce moteur de recherche propose des résultats filtrés. Il ne stocke pas de données utilisateurs et l’historique de recherche est supprimé quotidiennement.

Cette liste n’est pas exhaustive et il existe d’autres navigateurs web pour enfant proposant une expérience encore plus personnalisée permettant une configuration plus adaptée du contrôle parentale. C’est le cas notamment du moteur de recherche Zoodles proposé par HTC et présenté ci dessous. La version gratuite semble toutefois assez limitée en terme de possibilité.

 

Bientôt des réseaux sociaux pour enfants? Instagram semble se pencher sur la question

Dans une démarche toujours plus inclusive et protectrice du mineur au sein des outils numériques, la question de réseaux sociaux dédiés aux plus jeunes utilisateurs se poserait actuellement.

En effet, des réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou encore Instagram interdisent toute inscription aux moins de 13 ans. Pour autant, le fait est là. Des utilisateurs, de moins de 13 ans et toujours plus jeune, s’inscrivent et ont régulièrement accès à ces plateformes. Cette partie des internautes, non autorisée mais existante tout de même préoccuperait Instagram notamment.

Selon le site Buzzfeed, Instagram souhaiterait permettre à ces utilisateurs mineurs de profiter du réseau social. Garantir un environnement sécurisé. Offrir une véritable expérience sur Instagram aux moins de 13 ans. Voilà le projet potentiel du géant du numérique.

Cela semble s’inscrire dans une mouvance visant à renforcer la protection des mineurs sur les réseaux. Instagram avait d’ailleurs annoncé récemment la prise de mesure en ce sens. Les plus jeunes se voient ainsi proposer de configurer leur compte en privé dès leur inscription. Instagram devrait également interdire aux adultes d’envoyer des messages privés à des mineurs qui ne les suivent pas.

Notons qu’il existe déjà un média social proposant une version adaptée aux plus jeunes. C’est le cas de Youtube Kids. Conçu pour offrir aux enfants une plateforme adaptée. Le géant de la vidéo se targue de leur permettre de découvrir seuls des contenus de manière simple et ludique. Il garantie une sécurité des contenus ainsi qu’un possibilité de personnaliser l’expérience par des dispositifs de contrôle parentaux. Enfin, Il met en avant un système aidant les parents à les accompagner dans l’exploration de nouveaux centres d’intérêt.

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