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Qui dirigera le Parquet national financier et le Parquet antiterroriste ?

Deux postes-clés sont à pourvoir. Avec un tandem favori pour le futur Parquet antiterroriste. Et un magistrat doublement candidat : Philippe Courroye. Par Mélanie Delattre

Qui dirigera le Parquet national financier et le Parquet antiterroriste ?

Branle-bas de combat chez les magistrats. Avec la création du Parquet national antiterroriste (PNAT), sur le point de voir le jour après de nombreux atermoiements, et la succession d’Éliane Houlette à la tête du Parquet national financier (PNF), deux postes ultra-sensibles sont à pourvoir. Le PNF, qui fête ses six ans cette année, traite actuellement 500 dossiers de délinquance financière et fiscale. Le PNAT, lui, aura non seulement la main sur les tentaculaires affaires de terrorisme, mais aussi compétence dans le domaine de l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation et de génocide, deux sujets très politiques.

Officiellement porté sur les fonts baptismaux en février par le vote des parlementaires, le nouveau Parquet antiterroriste se cherche un patron emblématique, capable d’incarner la « nouvelle juridiction ». Onze magistrats aux profils divers ont candidaté. Parmi eux : Franck Rastoul, le procureur général de Bastia, ainsi que deux spécialistes de l’antiterrorisme, Marc Trévidic, ancien juge d’instruction spécialisé, et Anne Kostomaroff, une proche de Jean-Claude Marin qui dirigea la cellule C1, c’est-à-dire l’antiterrorisme rattaché au parquet de Paris, avant de prendre la tête de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Présentée comme faisant partie des favoris, cette magistrate expérimentée a un rival de taille en la personne de Jean-François Ricard.

Un homme et une femme pour le PNAT

Ex-juge d’instruction antiterroriste aujourd’hui en poste à la Cour de cassation, « JFR », comme le surnomment certains, affiche un CV taillé sur mesure pour la fonction. Formé par Jean-Louis Bruguière, il a eu entre les mains le dossier des attentats de Saint-Michel et a occupé le poste de doyen de la galerie Saint-Éloi, antre de l’antiterrorisme. Il a aussi siégé à la cour d’assises spéciale, où il a eu à connaître du contentieux « crimes contre l’humanité ».

Partisan de la création d’une juridiction spécialisée dès l’automne 2017, alors même que le poste semblait à l’époque promis à François Molins, tout-puissant procureur de Paris parti depuis à la Cour de cassation, Jean-François Ricard aurait réclamé un effectif à la mesure de sa mission. C’est-à-dire dix magistrats spécialisés de plus que les quinze initialement prévus, en provenance de la section C1 du parquet de Paris. Pour donner un visage « homme-femme » au nouvel ensemble, sa hiérarchie envisagerait de lui adjoindre la quadragénaire Charlotte Caubel, que l’on donne partante de son poste de conseiller justice à Matignon.

Premiers pas à l’antiterrorisme

Cette magistrate très politique est passée par le tribunal de Bobigny, où elle officiait comme vice-présidente aux côtés du procureur François Molins avant de rejoindre l’organisme antiblanchiment Tracfin. Spécialiste de la matière financière, celle que l’on connaît également sous le nom de madame Bompard (elle est l’épouse du patron de Carrefour) ferait, si cela se confirmait, ses premiers pas à l’antiterrorisme, domaine dans lequel elle n’a jamais officié. Autre profil à la fois financier et politique : celui de Bruno Dalles, ex-procureur de Melun, qui participa à la création de la douane judiciaire en 1999 sous la gauche. Proche de Michel Sapin, il fut nommé à la tête de la cellule antiblanchiment de Bercy sous François Hollande. Son nom a circulé pour le PNAT, mais Bruno Dalles ne figure finalement pas dans les listes des onze candidats.

 

Lot de consolation

Il serait, en revanche, intéressé par le remplacement d’Éliane Houlette à la tête du PNF. Atteinte par la limite d’âge, celle qui donna une connotation très offensive à sa fonction – on lui doit les affaires Cahuzac, Fillon et Bismuth-Sarkozy, ainsi que plusieurs enquêtes visant des groupes du CAC 40 – quittera son fauteuil le 30 juin prochain. Le poste aurait été promis comme « lot de consolation » à Jean-François Bohnert, le candidat que pousse la France pour diriger le futur Parquet européen en cours de gestation. Pour l’instant, eurodéputés et États membres ne sont pas tombés d’accord, les premiers ayant une préférence pour la pasionaria anticorruption tandis que les seconds penchent pour Bohnert, moins clivant. Rien n’étant encore fait, d’autres prétendants se sont manifestés : Xavier Bonhomme, procureur à Pointe-à-Pitre, et Jacques Carrère, un ancien du conseil de sécurité intérieure sous Jacques Chirac, alors dirigé par le préfet Massoni qui l’avait recruté. Également proche de Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation entre 2007 et 2014, il occupa les postes de conseiller de Rachida Dati place Vendôme puis de substitut général à la cour d’appel de Paris, avant d’être nommé procureur adjoint à Paris. Une candidature plutôt consensuelle, qui serait appuyée par son actuelle cheffe Catherine Melet-Champrenault, procureure générale près la cour d’appel de Paris.

Fin du purgatoire pour Philippe Courroye ?

Celle de Philippe Courroye, qui s’est porté volontaire à la fois pour le PNAT et pour le PNF, l’est moins. L’ancien procureur de Nanterre, promis aux plus hautes fonctions judiciaires, avait vu son ascension stoppée net par l’affaire Bettencourt, dans laquelle il était soupçonné d’avoir renseigné l’Élysée de Nicolas Sarkozy. Accusé par les journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme d’avoir commis plusieurs fautes professionnelles, dont la violation du secret des sources, il avait été muté en 2012 à la cour d’appel de Paris en attendant le verdict de l’instance disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Relaxé deux ans plus tard, il compte reprendre le cours de sa carrière là où il l’avait laissée. La fin du purgatoire ?

« Le purgatoire, c’est quand on a quelque chose à purger. Dans mon cas, c’est plutôt la justice qui a une dette envers moi », répond-il au Point. Estimant qu’il a toutes ses chances « si le critère est la compétence », il met en avant sa double expérience. En matière financière, comme ancien juge d’instruction à Lyon (on lui doit la chute de Michel Noir et d’Alain Carignon), et dans le domaine de la lutte antiterroriste, ayant eu à connaître du terrorisme corse dans l’affaire Pieri, et de la menace islamiste, avec le jugement de la filière djihadiste Cannes-Torcy à la cour d’appel de Paris. Si la fin du mandat Hollande peut lui laisser certains espoirs, il lui faudra passer sous les fourches caudines du CSM, qui, s’il ne l’a pas sanctionné, l’a largement désavoué dans sa décision de 2014.

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