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Covid-19 : Mise en examen d’Agnès Buzyn dans la gestion de la crise sanitaire

Début 2020, le monde apprend progressivement la propagation du Covid-19 à travers les informations alarmantes provenant de Wuhan, en Chine. Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé depuis mai 2017, se retrouve en charge de la gestion de la crise sanitaire. Ce 10 septembre, la Cour de Justice de la République a prononcé la mise en examen d’Agnès Buzyn. Quels faits lui sont reprochés ? Quelles sanctions encourt-elle ? Dans cet article, Legalissimo revient sur ces questions autour de l’enquête sur la gestion de la crise sanitaire.

Mise en examen d’Agnès Buzyn : Que lui reproche-ton ?

Agnès Buzyn est la première responsable politique mise en cause dans l’enquête sur la gestion de cette crise sanitaire en France. L’ancienne ministre de la Santé était en charge de la gestion de la crise jusqu’à son départ en février 2020. On remet principalement en cause le manque d’anticipation de la crise par Agnès Buzyn.

Après six heures d’interrogatoire par les magistrats de la commission d’instruction de la juridiction et trois heures de délibéré, la mise en examen d’Agnès Buzyn a été prononcée le vendredi 10 septembre pour « mise en danger de la vie d’autrui » dans le cadre de la gestion gouvernementale de la crise sanitaire. En d’autres termes, elle est accusée d’avoir mis en danger les citoyens en prenant ou en ne prenant pas certaines mesures au début de l’épidémie. Elle est également placée sous le statut de témoin assisté pour « abstention volontaire de combattre un sinistre » pendant la crise du Covid-19. Ce statut est un titre hybride entre le témoin classique et la mise en examen.

Qu’est-ce que la Cour de justice de la République ?

La Cour de Justice de la République (CJR) est une juridiction en charge de juger les ministres ayant commis une infraction durant l’exercice de leurs fonctions. Cette juridiction se compose de quinze juges : douze parlementaires et trois magistrats du siège à la Cour de cassation. Toute personne qui s’estime victime d’un crime ou d’un délit commis par un membre du gouvernement durant l’exercice de ses fonctions peut saisir cette juridiction.

Le déroulement par étape :

  • Le 24 janvier 2020 : « Les risques de propagation sont très faibles »

Dans un point presse, l’ancienne ministre de la Santé prenait la parole pour annoncer les deux premiers cas Covid européen. « Nous sommes en train de remonter l’histoire de ces patients positifs de façon à rentrer en contact avec les personnes qu’ils ont croisées », expliquait-elle. Se voulant rassurante, Agnès Buzyn déclarait également que « les risques de propagation du coronavirus dans la population sont très faibles ».

  • Le 26 janvier 2020 : « Le port du masque est totalement inutile pour les non-malades »

Deux jours plus tard, sur le sujet du port d’un masque chirurgical, elle assurait qu’ils étaient « totalement inutile pour les non-malades ». L’hématologue de profession explique ensuite que « ce sont des masques qu’il faut mettre quand on est malade pour éviter d’envoyer des microbes à son entourage. Après, il y a des masques de protection pour des personnes en contact étroit avec des personnes malades. Ce sont des masques qui sont essentiellement réservés au personnel soignant, présents dans les hôpitaux. »

  • Le 16 février 2020 : Agnès Buzyn quitte ses fonctions de ministre

Alors que la France était en train de plonger dans une situation sanitaire déplorable, la ministre des Solidarités et de la Santé quitte ses fonctions de ministre pour entamer une campagne électorale aux élections municipales de Paris. Elle vient en remplacement de Benjamin Griveaux, qui est au cœur d’un scandale sexuel.

  • Le 30 juin 2020 : « Je n’ai à aucun moment sous-estimé le risque »

Cependant, cinq mois plus tard, Agnès Buzyn revient sur ses propos et assure n’avoir « à aucun moment sous-estimé le risque et j’ai préparé notre système de santé ». Elle déclare avoir craint dès le 22 janvier une aggravation de l’épidémie dès que l’OMS a confirmé une transmission interhumaine du virus. Elle affirme avoir demandé un état de lieux sur les stocks de masques disponibles, ainsi que du nombre de lits de réanimation et de respirateurs. L’ancienne ministre explique par la même occasion avoir commandé plus d’un million de masques FFP2, jusque-là absents des stocks.

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Quelles sanctions encoure l’ex-ministre de la Santé ?

Après une longue audition, la CJR a prononcé la mise en examen d’Agnès Buzyn pour « mise en danger de la vie d’autrui » dans la gestion de la crise sanitaire. C’est l’article 223-1 du Code pénal qui définit cette infraction : c’est le fait d’«exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement». La sanction encourue est d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

Les juges ont également placé l’ancienne ministre de la Santé sous le statut de témoin assisté pour le chef d’«abstention volontaire de combattre un sinistre». C’est l’article 223-7 du Code pénal qui encadre cette infraction : elle s’applique à «quiconque s’abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes». La peine encourue est de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.

Des décisions jugées trop clémentes

Pour prendre sa décision, la Cour de Justice de la République (CJR) devra statuer sur des faits précis. Les juges vont chercher s’il y a violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité. Mais cette juridiction a la réputation de juger ses affaires de façon trop clémente. En effet, depuis sa création en 1993, la CJR a jugé huit personnes : trois ont été relaxées, trois condamnées à des peines de sursis et deux ont été déclarées coupables mais dispensées de peines. L’ex-ministre a donc peu de chance de recevoir une condamnation ferme.

D’autres ministres risquent-ils une mise en examen ?

Cette enquête sur la gestion gouvernementale de la crise sanitaire a créé une pression chez les membres du gouvernement. Cette instruction menace de mettre en lumière les dysfonctionnements de la machine gouvernementale et elle risque de contribuer à dégrader l’image des institutions, ainsi que la confiance envers les politiques.

On en vient à se demander si ce n’est pas la première d’une longue série de mises en examen de politiques dans les mois à venir ? L’ancien Premier ministre Edouard Philippe sera-t-il le prochain à se faire interroger par les magistrats ?

Un soutient de la part de personnalités politiques

Plusieurs personnalités politiques ont tenu à rappeler le professionnalisme d’Agnès Buzyn dans le cadre de sa mise en examen. C’est notamment le cas de Jean-Michel Blanquer qui, sur le plateau de l’émission télévisée Touche pas à Mon Poste, a décrit sa collègue comme étant une personne dévouée et investie dans sa mission. Il y a également le député Roland Lescure qui a apporté son soutien sur les réseaux sociaux : « Agnès Buzyn a fait tout ce qu’elle pouvait et sans doute plus pour nous protéger face à la pandémie qui débutait”.

 

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