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En cas de divorce, qui garde le chien ?
C'EST PAS BÊTE. Qu'ils aient deux, trois, quatre, zéro ou mille pattes, nos meilleurs amis les animaux nous épatent. Épisode 21 : ex-couples aux abois. Par Aline Cochard
En janvier de cette année, entrait en vigueur une loi californienne en vertu de laquelle un juge pouvait prendre en compte l’intérêt du chien d’un couple en cas de divorce. Notre correspondante à Washington, Hélène Vissière, rapportait le cas de Stanly et Linda Perkins, à San Diego. La bataille judiciaire pour la garde de leur chien, Gigi, avait duré deux ans et coûté quelque 150 000 dollars.
Encore l’une de ces excentricités américaines, dont les Français adorent ricaner ? « La critique est aisée », comme disait l’autre – le comédien Destouches, au XVIIIe siècle, pour ceux qui l’ignorent. Xavier Bacquet, avocat spécialisé dans le droit animal depuis vingt ans, se souvient d’un client qui avait exigé d’aller jusqu’en cassation pour récupérer ses deux chats. Il avait eu gain de cause, sauf que l’un des matous était mort au cours de la très longue procédure… « Dans ce domaine, on est vraiment dans l’émotionnel, relate le magistrat. J’ai vu de redoutables femmes d’affaires perdre complètement leurs moyens face à l’éventualité de ne pas obtenir la garde d’un cheval. »
L’évolution dans le droit animal
En France, depuis la loi du 16 février 2015, Moustache, Patoune ou Idaho ne sont plus considérés comme des canapés ou des robots-cuiseurs. L’article 514-14 du Code civil définit les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent [ils] sont soumis au régime des biens ». « On s’est battus, se souvient Xavier Bacquet, qui défend également la fondation 30 Millions d’amis et la fondation Assistance aux animaux. Préciser qu’ils sont “soumis” reconnaît leur existence propre, le fait qu’ils ne sont pas des biens. Sinon, on ne l’écrirait pas : ils seraient des biens parmi d’autres. » L’avocat considère néanmoins ce statut « comme un coucher de soleil à la Turner : si l’animal n’est plus un bien mobilier, il n’est pas vraiment autre chose. Un juge aux affaires familiales, par pragmatisme et aussi – surtout – parce que s’amoncellent sur son bureau d’autres dossiers urgents à traiter, dira qu’il ne lui appartient pas de se prononcer, que c’est une question de liquidation des meubles. Or une commode Louis XV n’est ni vivante ni sensible. »
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Premier de corvée, à qui revient le chien après un divorce ?
Bien malin qui peut dire à qui, au sein d’un couple, appartient Toutou. Si le Fichier national d’identification des carnivores domestiques, généralement délivré par le vétérinaire qui a « pucé » l’animal lors de l’acquisition de ce dernier, désigne un propriétaire, « le nom inscrit sur la carte ne fait pas forcément foi, fait remarquer Xavier Bacquet. C’est un faisceau d’éléments apportés par les parties qui prouvent l’engagement de l’un ou de l’autre ». Autant dire que celui qui l’a sorti à pas d’heure, sous la pluie, et qui a ramassé ses crottes en encaissant les persiflages des passants a plus de légitimité que celui qui s’est dérobé aux corvées. « Les absents ont toujours tort », disait encore Destouches… « La priorité, c’est le bien-être de l’animal, pas celui de son maître », rappelle la vétérinaire Emmanuelle Lequeux, interrogée par L’Obs. Le même article évoque ces gens incapables de trouver un accord et qui, soit parce qu’ils ne supportent pas de voir partir le chien avec l’être jadis aimé, soit parce que, s’ils le gardent, sa présence leur rappellera leur bonheur perdu, l’abandonnent à la SPA. L’humain est cruel ?« Chassez le naturel, il revient au galop. » C’est de Destouches, évidemment.