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Sorcellerie en France : Cadre juridique de l’Affaire Carla Moreau

Conjuration de sorts et sorcellerie au sein des télé-réalités françaises ? La semaine passée, de nombreux médias se sont animés suite au lancement d’accusations étonnantes envers une star du petit écran. Carla Moreau, candidate de télé-réalité, notamment découverte au sein de la Série-réalité Les Marseillais, se retrouve accusée d’avoir eu recours à des actes de sorcellerie pour acquérir la notoriété dont elle dispose aujourd’hui. Plus grave encore, elle aurait financé le lancement de sortilèges maléfiques à l’encontre d’autres candidats.

Accusations infondées afin de détruire l’image (précieuse) de la candidate ? Diversion médiatique afin de couvrir des manœuvres fiscales ? Réelle volonté de nuire par des actes de sorcellerie ? De nombreuses théories ont émergé sur les réseaux et il est encore trop tôt pour se prononcer sur leur véracité.

Cette histoire soulève pourtant certaines interrogations juridiques. Que risque Carla Moreau si les accusations de sorcellerie sont avérées ? La sorcellerie en France fait-elle l’objet d’une répression par le droit ? Quelles sont les peines encourus ou qui ont déjà été prononcées pour des actes relevant de la conjuration de sort ? Chez Legalissimo, nous vous apportons aujourd’hui quelques éléments de réponse sous l’angle de l’Affaire Carla Moreau.

Qu’est ce que la Sorcellerie ?

La sorcellerie se définit comme une pratique magique en vue d’exercer une action, généralement néfaste, sur des êtres humains, des animaux ou sur des plantes. Généralement ces pratiques prennent la forme d’un sort, d’un envoutement ou d’une possession. Il se peut aussi que l’on désigne comme de la sorcellerie des pratiques similaires ayant, cette fois-ci, une vocation bénéfique. Ce peut être le cas des magnétiseurs, des guérisseurs ou encore des coupeurs de feu. Dans de tels cas, nous parlerons alors de médecine non-conventionnelle plutôt que de sorcellerie.

Sorcellerie en France : un phénomène loin d’être anecdotique

La médecine non-conventionnelle, bien que source de nombreux débats scientifiques, se voit largement répandue en France. Il existe effectivement des hôpitaux dont les services d’urgences ont recours à des coupeurs de feu régulièrement. Dans la thèse de Nicolas Perret, nous apprenons que 87% des patients ayant bénéficié des services d’un coupeur de feu atteste avoir vu leur douleur diminué d’au moins 30%. De la même manière des séances d’hypnose peuvent se voir remboursées par la Sécurité Sociale dans certaines conditions.

En 2018, Dominique Camus nous apprenait dans son interview pour Le Point que les déclarations fiscales établies par les personnes déclarant une activité professionnelle liée à ce que l’on désigne traditionnellement sous le terme de sorcellerie, réalisaient un chiffre d’affaires supérieur à celui des médecins généralistes. Enfin, selon ses recherches un Français sur trois reconnaîtrait avoir eu, un jour, recours à une forme de médecine « parallèle ».

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Affaire Carla Moreau : Entre voyance et sortilège

Dans l’affaire Carla Moreau, l’influenceur Marc Blata révèle les premiers éléments de « preuve » sur Snapchat. Ce dernier diffuse des enregistrements vidéos accablants pour la candidate. Dans ces enregistrements, Carla Moreau, qui aurait fait appel au service d’une voyante, lui aurait demander d’exécuter quelques sortilèges. Ces sorts avaient diverses objectifs : porter atteinte à des candidat.e.s concurrent.e.s, maintenir un envoutement amoureux sur Kevin Guedj (actuel mari de Carla Moreau) et conférer une plus grande notoriété à la jeune marseillaise.

Ces accusations, démenties par l’intéressée, ont créé une véritable scission dans l’univers de la télé-réalité française, déjà en proie à toutes sortes de clash et d’histoires rocambolesques. Entre les candidats et chroniqueurs prenant ouvertement la défense de Carla, ceux contribuant à la large diffusion des accusations à son encontre s’estimant trompé et victimes de ces actes de sorcellerie et ceux oscillant d’un jour à l’autre entre chacune de ces positions, tout a été mis en oeuvre pour créer une confusion générale dans la sphère médiatique.

Tout cela alimente une vague de désinformation dans laquelle de nombreuses théories contradictoires ont pris formes. « Carla Moreau serait la cible de chantage et de racket« . « Carla Moreau serait victime d’un coup monté« . « La candidate aurait véritablement jeté des sorts afin de maudire les candidats concurrents ainsi que leurs enfants« . « Une histoire montée de toute pièce pour camoufler des manoeuvres fiscales« . Toutes sortes de théories sont venus agrémenter cette histoire.

Cependant, il est encore trop tôt pour démêler le vrai du faux. La principale intéressée a décidé d’intervenir sur le plateau de TPMP afin de donner sa version.

Sorcellerie en France : Quelles sanctions encourues pour les lanceurs de sortilèges ?

Il est alors loisible de se demander quel serait le type de sanction encourue pour de tels actes s’ils venaient à être avérés.

Pas de sanction pour sorcellerie en France ?

A ce propos, il faut noter que la sorcellerie en France ne fait pas l’objet d’une criminalisation en tant que telle. Depuis l’édit de Louis XIV en 1682, les actes de sorcellerie ne tombent sous le joug du droit pénal que dans le cadre de l’empoisonnement. Ainsi, il n’y a pas de sanctions propres encourues pour les lanceurs de sortilèges.

Le principal problème posé par les sortilèges réside dans la matérialité de l’acte. Aucun acte objectif de causalité ne peut se constater dans le cas de sortilège. Si une personne s’estime victime d’un sortilège elle ne pourra effectivement pas apporter la preuve matérielle d’un acte lui causant directement un préjudice. Cela s’explique tout naturellement par le fait que le sortilège est par essence même un acte métaphysique, immatériel.

En revanche,  dès lors qu’un empoisonnement, qui se définit selon les dispositions de l’article 221-5 du Code Pénal comme « le fait d’attenter sciemment à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort » est caractérisé, il pourra donner lieu à un procès et les sanctions encourues seront de trente ans de réclusion criminelle, que cet empoisonnement ait lieu ou non au cours de rituels dits de sorcellerie.

Jurisprudence & Sorcellerie en France :

Ainsi, le juge français ne connait que très peu de situation dans lesquelles il est fait allusion à la sorcellerie. La dernière condamnation en ce sens remonte effectivement à la fin du 17ème siècle. Michée Chaudron, dont le récit nous est proposé dans un article de France Culture fut effectivement une des dernières personnes exécutées pour motif de sorcellerie en France. Condamnée sur la base d’une expertise médicale douteuse, la veuve savoyarde fut pendue et brûlée en 1652.

Le concept de sorcellerie n’ayant pas disparu pour autant, le juge français a récemment dû statué sur la situation d’un homme prétendant être victime de sorcellerie. Ce dernier, atteint de troubles psychiatriques, affirmait que la source de ces troubles résidait dans des sortilèges dont il aurait été victime. Le juge réfuta cette théorie. Plus de renseignements sur cette affaire dans l‘arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon le 3 mai 2019.

Existe-t-il des législations qui envisagent directement la sorcellerie ?

Cette méconnaissance par le droit pénal des activités de sorcellerie ne représente pas un phénomène universel. On retrouve des incriminations pour de tels actes dans de nombreux systèmes juridiques.

L’article 210 du Code Pénal gabonais intervient en ce sens. Il énonce : « Sera puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans, et d’une amende de 50.000 à 200.000 francs…, quiconque aura participé à une transaction portant sur des restes et ossements humains, ou se sera livré à des pratiques de sorcellerie, magie, charlatanisme susceptibles de porter atteinte aux personnes… « .

De la même manière en République Centrafricaine, les articles 162 et 162 bis du Code pénal qualifient « les pratiques de sorcellerie et de charlatanisme » en tant que crimes et délits.

Dans ces cas encore, les jugements de telles affaires sont complexes. La question de la matérialité de la preuve se pose toujours sans que l’on puisse y répondre valablement.

De véritables affaires de sorcellerie devant le juge à l’étranger ?

Pour autant, le juge gabonais a pu, en 1964, prononcer la relaxe d’un homme accusé d’homicide sur fond de sorcellerie. Dans cette affaire détaillée par la plateforme Curiosités Juridiques, l’accusé avait avancé pour sa défense le fait que sa victime se soit, par le biais d’un sortilège, transformée en chimpanzé lors d’une partie de chasse dans la jungle. Agressé par l’individu alors changé en animal, l’homme se serait vu contraint de lui tirer dessus afin de défendre sa vie. Le juge avait alors accepté cette théorie au vu des circonstances de l’affaire et de la concomitances de témoignages, prononçant alors la relaxe de l’accusé.

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