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Manifestations en Birmanie : Le peuple en lutte pour la démocratie

Le 1er février 2021, la publication d’une vidéo surréaliste bouscule la toile. Au premier plan, une jeune femme donnant un cours de sport en ligne. Au second plan, un barrage militaire se met en place et l’on assiste à un déploiement des forces armées. C’est le début d’un nouveau Coup d’Etat au Myanmar. Ce renversement politique va engendrer un mouvement de contestation populaire massif. Avec Legalissimo, nous faisons le point sur ces manifestations en Birmanie, quand le peuple lutte pour la démocratie.

Historique rapide sur la Birmanie

Un pays en proie à la dictature militaire

La Birmanie a connu 4 Coups d’Etats différents au cours des 63 dernières années. De manière générale, on peut observer une opposition politique entre les forces militaires et les partisans de la démocratie. D’abord sous domination britannique puis japonaise jusqu’à la fin des années 40, le peuple birman connaît une courte période d’indépendance relative avant un premier Coup d’Etat militaire en 1962. Cette junte militaire va façonner le paysage politique, freinant le développement du pays, jusqu’au « printemps birman » en 2011. Les préludes d’une vague de protestation pour la démocratie se feront entendre dès les années 1990 avec la création d’un nouveau parti : La Ligue Nationale pour la Démocratie.

Aung San Suu Kyi - Co-fondatrice et secrétaire générale du parti de la Ligue Nationale pour la démocratie
Aung San Suu Kyi – Cheffe du gouvernement birman de 2016 à 2021.

Effectivement, en 1988, des manifestations en Birmanie éclatent contre le régime avec des revendications pro-démocratiques. Ce mouvement est réprimé brutalement par le régime militaire et de nombreux morts seront déplorés. Cependant, la junte militaire promet des élections libres afin d’étouffer les revendications.

La Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) est alors créée avec à sa tête Aung San Suu Kiy. Des élections prendront place en 1990 et se solderont par une victoire écrasante de la LND, parti de Aung San Suu Kiy. Cette dernière sera alors assignée à résidence, le résultat du scrutin contesté et son parti banni par la junte militaire. Figure de l’opposition non-violente à la dictature militaire de son pays, elle recevra le prix Nobel de la paix en 1991.

En 1989 le pouvoir en place décide de rebaptiser le pays. La Birmanie devient Myanmar, nom utilisé par l’ONU aujourd’hui. Cette appellation est toutefois contestée par certains Etats n’approuvant pas le régime militaire tels que l’Australie. Certains militants réfute aussi cette appellation. Aung San Suu Kyi, notamment, utilisent toujours le terme Birmanie pour désigner son pays.

Une tentative de transition vers un Etat de droit

Avant 2011 :

Au fil des années, d’autres mouvements de protestation naissants se verront écrasés par le pouvoir en place. En plus d’une l’instabilité sociale marquée, le pays sera en proie à différentes sanctions internationales et catastrophes naturelles considérables comme le cyclone Narguis en 2008 qui contribueront à fragiliser le maigre équilibre de l’Etat militaire jusqu’en 2011.

C’est effectivement à partir de cette période que l’on va assister aux prémices du « printemps birman« . Il se caractérise par l’intégration progressive d’un régime civil et démocratique au sein du pays. Ainsi, en 2011, un gouvernement civil se met en place et la junte militaire est officiellement dissoute. Ces symboles d’un assouplissement du régime redonnent espoirs au peuple birman.

Après 2011 :

De nouvelles élections partielles s’organisent en 2012, Aung San Suu Kyi est alors élue députée. En 2015, des élections législatives s’organisent. Le parti démocratique, largement plébiscité, remporte ces élections face au Parti de l’Union, de la Solidarité et du Développement (USDP), le parti militaire.

En 2016, Htin Kyaw, proche d’Aung San Suu Kyi, accède à la présidence du pays. Celle qui se fait appeler la dame rouge se retrouve alors à la tête du gouvernement birman. Effectivement, une disposition constitutionnelle l’empêche de devenir présidente de la République. Pour autant, elle est nommée ministre des Affaires étrangères, conseillère spéciale de l’État et porte-parole de la Présidence, ce qui lui confère de facto un rôle de chef du gouvernement.

Pour beaucoup, cette avancée majeure n’en est pas une. En arrière-plan, l’armée continue effectivement d’être dotée de prérogatives importantes. Cela va particulièrement ternir l’image de la Dame Rouge. En ce sens, les exactions commises contre la communauté musulmane des Rohingyas par l’armée de Myanmar entacheront l’image de la prix Nobel de la paix. On lui opposera notamment son mutisme et sa froideur prétendue sur la situation des Rohingyas en Birmanie, situation à propos de laquelle l’ONU a notamment pu parler « d’éléments de génocide« .

Un nouveau Coup d’Etat militaire le 1er février 2021 : point de départ des manifestations en Birmanie

Le pouvoir politique : mobile évident pour un Coup d’Etat

Ce coup d’Etat du 1er février 2021 a marqué un grand coup d’arrêt au processus de transition démocratique. Il témoigne par ailleurs de la volonté réelle du pouvoir militaire en place au Myanmar à savoir : faire miroiter la construction d’un Etat de droit tout en phagocytant le pouvoir effectif.

En effet, l’armée birmane a toujours conservé de nombreuses prérogatives régaliennes. Or, ces prérogatives étaient sur le point de glisser des mains de l’armée.

En ce sens, l’actuel commandant en chef des armées, le général Min Aung Hlaing, aurait dû quitter ses fonctions en juillet 2021. Une telle fonction disposant d’une limite d’âge de 65 ans, le général de 64 ans aurait donc dû laisser sa place durant l’été. Cela aurait permis au Président de la République birmane, de nommer un nouveau chef des armées, et d’enclencher, par la même occasion, une refonte du système militaire.

De plus, suite à l’échec cuisant de l’USDP aux élections législatives de 2020 n’ayant récolté que 33 voix contre 396 pour la LND, le général Min Aung Hlaing n’aurait pas pu espérer se présenter à la gouvernance du pays non plus.

Conserver le pouvoir par le biais d’un scrutin démocratique parait alors illusoire pour le parti militaire qui ne cesse de contester les résultats de la dernière élection invoquant une fraude. Ces éléments permettent alors de mieux appréhender les raisons d’un tel passage à l’acte.

Emprisonnement des opposants et mesures répressives

En ce début mars 2021, Aung San Suu Kyi et le président élu Win Myint feraient toujours l’objet d’une détention au sein de la capitale. Min Aung Hlaing quant à lui, a été proclamé président du Conseil administratif d’État par le vice-président par intérim birman lui-même membre de l’USDP.

De plus, le général a déclaré l’état d’urgence pour un an, promettant la tenue des élections libres à l’issue de cette année. De nouvelles mesures restrictives n’ont pas tardé à suivre. Entre autres : coupure des télécommunications, d’Internet, et instauration d’un couvre-feu.

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L’éclatement de manifestations en Birmanie

Un peuple qui réclame la démocratie et s’oppose à l’autoritarisme militaire

La contestation populaire ne s’est pas faite attendre. Dans les jours qui suivent le Coup d’Etat militaire, des manifestations s’organisent spontanément à travers le pays. Ces manifestations prendront alors de plus en plus d’ampleur, les rangs des manifestants grossissant chaque jour un peu plus. Leur revendication est simple : ils réclament le respect de la démocratie et de l’Etat de droit au sein de leur pays.

 

Les manifestations en Birmanie durement réprimées

Ces manifestations grandissantes, la junte militaire va vite dévoiler son vrai visage. Après la mise en place de mesures drastiques telles que la coupure des canaux de communication et l’enfermement des opposants politiques, c’est le peuple qui va subir directement cette répression. En moins d’un mois, pas moins de trente citoyens perdent la vie en s’opposant à l’autoritarisme militaire.

La réponse militaire à la contestation populaire est, chaque jour, plus violente. Le pays sombre dans la terreur. Tirs à balles réelles sur des manifestants pacifiques, enlèvements et déportations sont de mises d’après des témoignages de résidents birman. Leurs moyens de défense sont très limités. Ils se résument : à la poursuite des manifestations en signe d’opposition au régime, à l’organisation de marches commémoratives pour les citoyens abattus par le régime et à la diffusion de l’information et des ignominies qui se produisent chaque jour.

Ces dernières semaines, nous avons donc assisté à un raz-de-marée de vidéos violentes et choquantes témoignant de cette répression contre les manifestations en Birmanie.

Même les citoyens non-manifestants ont pu être la cible de la junte militaire.

Le mercredi 3 mars, la répression s’est intensifiée, le chiffre officiel de manifestants tués a doublé en une journée. En effet, durant cette journée qui est déjà nommée comme le mercredi sanglant (bloody wednesday), a minima 38 personnes auraient perdus la vie selon un émissaire dépêché sur place par les Nations-Unies. Malgré la brutalité, les manifestants ne concèdent rien et poursuivent leur combat.

 

Manifestation en Birmanie pour l’Etat de droit : Quelle position pour la communauté internationale ?

Répression des manifestations en Birmanie : des réactions aux sommets

Cette répression violente des manifestations en Birmanie a connu un écho retentissant sur la scène internationale. En ce sens, nous avons assisté à de nombreuses réactions aux sommets. L’Organisation des Nations-Unies (ONU) s’est notamment exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet. A titre d’exemple, le Secrétaire général de l’ONU,  António Guterres, et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sont intervenus ce 28 février 2021. Ces derniers ont fermement condamné la violente répression au Myanmar contre des manifestants pacifiques et appelé les militaires à respecter la volonté du peuple exprimée lors des élections.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a, quant à elle, condamné « fermement le putsch en Birmanie ».

Le Pape François a lui aussi pris la parole à différentes occasions. Le 8 février, il exhortait l’armée birmane à « libérer les prisonniers politiques et à revenir sur la voie démocratique« . Le 3 mars, il réitérait son appel, souhaitant que « le dialogue l’emporte sur la répression et l’harmonie sur la discorde« .

Le Président de la République française, à son tour, a réagi aux événements en Birmanie en postant un message sur les réseaux sociaux adressé directement aux autorités et au peuple birmans. A travers ce tweet, le chef de l’exécutif a alors exprimé son soutien au peuple birman et a appelé les autorités birmanes à mettre un terme à la répression.

 

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La question d’un soutien international au peuple birman

Face à cette vague d’indignation politique, une question se pose : Pouvons-nous nous attendre à une réaction de la part du Conseil de sécurité des Nations-Unies ? Plus encore, à une intervention militaire ordonnée par la société internationale ? C’est peu probable.

Une intervention peu probable des Nations-Unies

Effectivement, de tels cas de figure se sont déjà produits par le passé. Dans de telles circonstances, l’action du Conseil de sécurité des Nations-Unies se voit souvent opposer un veto endiguant de fait une possibilité d’action de la communauté internationale. Nous pouvons notamment penser à la situation en Syrie. Depuis le début des années 2010, c’est le veto russe qui bloque toute intervention significative et unifiée sur le territoire.

Pour la Birmanie, l’Etat est allié avec la Chine, qui dispose aussi d’un droit de veto au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il faut donc s’attendre à ce qu’un processus d’intervention soit entravé de la même manière. De plus, nous devons ajouter à cela le caractère particulier du contexte actuel. En pleine pandémie, les perspectives d’actions semblent bien moindres.

La société civile international présente en soutien des manifestations en Birmanie

Néanmoins, la société civile internationale apporte un soutien massif aux manifestants birmans. Outre un relai important et continu des événements, d’autres formes d’actions officieuses se mettent en place afin de lutter contre l’autoritarisme militaire au Myanmar. Le collectif Anonymous a par exemple riposté avec une action éclatante le 3 mars. Décidés à contribuer au mouvement de protestation birman, les pirates informatiques ont rendu inutilisables les sites web des forces de police et militaire du Myanmar avant de s’attaquer à d’autres cyber-infrastructures. Nous avions notamment pu assister à ce type d’actions durant les manifestations aux Etats-Unis en 2020 portant le mouvement Black Lives Matters, des pirates informatiques s’étant attaqué aux infrastructures web des services de police de Portland notamment.

 

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