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La seule possession d’un document confidentiel peut-elle constituer une faute de concurrence déloyale ?

La récente décision de la Cour de cassation, en date du 24 septembre 2025, marque un tournant significatif dans la protection de la loyauté commerciale. Elle établit que la simple détention d’un document confidentiel, obtenu lors d’une collaboration antérieure, peut constituer une faute de concurrence déloyale, même si ce document n’est ni utilisé ni stratégique.
Une décision marquante sur la concurrence déloyale
Dans l’affaire jugée, un ancien vice-président d’une association avait transmis à son futur associé la balance comptable interne avant de créer un événement concurrent. La cour d’appel avait rejeté toute faute, considérant que le document était succinct et sans valeur stratégique. Cependant, la Cour de cassation a annulé cette décision, affirmant que la simple détention d’un document confidentiel suffit à établir une faute. Ce jugement souligne que le contexte de la détention est crucial : le document provenait d’un ancien dirigeant, soumis à une obligation de loyauté, ce qui rend la détention fautive.
Une qualification incertaine de la faute
Traditionnellement, la jurisprudence classifie les comportements déloyaux en plusieurs catégories, telles que le risque de confusion ou le parasitisme économique. Dans ce cas, la détention passive d’un document confidentiel ne s’inscrit pas parfaitement dans ces catégories. La question se pose de savoir si cette situation constitue une faute autonome, fondée sur la violation du principe de loyauté, ou une forme dérivée de parasitisme. La Cour semble privilégier une approche préventive, visant à sanctionner la rupture de confiance entre acteurs économiques.
Une tendance vers une exigence préventive
Cette décision s’inscrit dans la continuité d’un précédent arrêt de la chambre commerciale du 7 décembre 2022, qui avait déjà jugé fautive la détention d’un fichier de clientèle par un ancien salarié, même sans exploitation. La nouveauté réside dans l’application de ce raisonnement à tout document confidentiel, peu importe son contenu, dès lors qu’il a été obtenu de manière déloyale. Cela reflète une conception préventive de la concurrence déloyale, où la faute découle du manquement à l’obligation de loyauté.
La question de l’indemnisation laissée ouverte
Un point crucial demeure : quel type d’indemnisation peut être accordé dans ce contexte ? Bien que la faute soit établie, le préjudice subi reste incertain. Plusieurs pistes peuvent être envisagées, telles qu’un préjudice moral présumé ou un avantage concurrentiel indu. Toutefois, il semble peu probable que la simple détention d’une information, sans utilisation, puisse justifier une indemnisation significative. La cour d’appel devra déterminer si la seule atteinte à la loyauté suffit à ouvrir droit à réparation.
En établissant la confidentialité comme une valeur protégée, la Cour de cassation affirme une vision exigeante de la loyauté commerciale. Cette décision rappelle que la loyauté ne se mesure pas uniquement par les actes visibles de concurrence, mais aussi par l’intégrité des moyens employés pour se préparer à la compétition.





