ActualitésArtisteInternet et Numérique
Clarification jurisprudentielle sur la prescription civile et la contrefaçon.

Dans cet article, Clémentine Normand Levy et Loren Fadika, avocates à la Cour, examinent les évolutions récentes de la jurisprudence concernant la prescription des actions en contrefaçon de droits d’auteur. Ils mettent en lumière les implications de ces changements pour les titulaires de droits et la nécessité d’une clarification sur le point de départ du délai de prescription.
Prescription civile et contrefaçon de droits d’auteur
Les actions en contrefaçon se prescrivent en cinq ans, à compter de la connaissance des faits. Deux théories coexistent concernant le point de départ de cette prescription : l’acte distinct, où chaque usage illicite relance le délai, et le prolongement normal, où la prescription court à partir du premier acte. La jurisprudence évolue et semble favoriser la protection des auteurs en s’appuyant sur le principe d’acte distinct.
1. Le droit commun de la prescription
Selon l’article 2224 du Code civil, les actions civiles en contrefaçon se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Ainsi, la durée de l’exploitation litigieuse ne suspend pas la prescription.
2. Acte distinct de contrefaçon versus prolongement normal de la contrefaçon
Deux conceptions du point de départ de la prescription civile existent :
- Théorie de l’acte distinct : Chaque usage illicite constitue un acte autonome, relançant le délai de prescription. Par exemple, dans une affaire jugée par la Cour d’appel de Rennes, un photographe a pu agir dans les cinq ans suivant une exploitation de ses œuvres, car celle-ci était considérée comme un acte distinct.
- Théorie du prolongement normal : À l’inverse, la Cour d’appel de Paris a jugé que des actes de commercialisation d’un titre musical étaient le prolongement normal d’une exploitation antérieure, rendant l’action prescrite.
3. L’arbitrage de la Cour de cassation
La Cour de cassation a récemment clarifié cette incertitude. Dans un arrêt du 3 septembre 2025, elle a affirmé que lorsque la contrefaçon résulte d’une succession d’actes distincts, la prescription court pour chacun de ces actes à compter du jour où l’auteur a eu connaissance des faits. Cette décision renforce la protection des titulaires de droits d’auteur, notamment dans le contexte numérique.
4. La charge de la preuve du point de départ du délai de prescription
La Cour de cassation a également statué que la charge de la preuve du point de départ du délai de prescription incombe à celui qui invoque la prescription. Cela signifie que le titulaire des droits doit démontrer qu’il n’a pas eu connaissance des faits de contrefaçon, ce qui peut s’avérer complexe.
Les récentes évolutions jurisprudentielles offrent donc une meilleure protection aux auteurs face à la contrefaçon, tout en maintenant un équilibre avec la sécurité juridique des exploitants. Les titulaires de droits doivent rester vigilants et informés sur les moyens de suspendre ou d’interrompre la prescription, afin de protéger efficacement leurs œuvres.