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Vaccination Covid-19 : Va-t-on vers la mise en place d’un Passeport Vert ?

Rendre leurs libertés à une partie de la population sans créer une rupture d’égalité avec une autre. Voilà un équilibre difficile qui semble se jouer autour de l’introduction du passeport vert. Dirigeons-nous vers l’introduction d’un tel dispositif ? La mise en place d’un tel mécanisme est-elle juridiquement valable ? Quels sont les avantages et les risques envisageables au déploiement d’un passeport vaccinal ? Chez Legalissimo, nous tentons de vous apporter une réponse à ces différentes questions.

Qu’est-ce que le Passeport Vert ?

A l’origine, on entend par passeport le document délivré par l’administration d’un Etat attestant de l’identité et de la nationalité d’une personne. Le passeport vaccinal ou passeport vert, serait, lui, destiné à attester qu’une personne ne représente pas une source de contamination potentielle dans le cadre de la crise sanitaire actuelle.

De tels mécanismes ont déjà pu se mettre en place par le passé dans des circonstances toutefois différentes. En ce sens, nous pouvons notamment penser au carnet de vaccination international désigné sous le nom de « carnet jaune » exigé pour entrer sur le territoire de plusieurs Etats africains notamment et attestant, entre autre, d’une vaccination contre la fièvre jaune.

Va-t-il être mis en place ?

Il est fort probable que ce dispositif soit déployé sur le territoire français prochainement. Effectivement, nous avons pu récemment assister à l’introduction de certaines dispositions juridique allant dans ce sens.

Une introduction normative progressive du passeport vert en France ?

Un premier exemple réside dans le projet de loi instituant «  un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires « . Ce projet a été déposé le 21 décembre devant l’Assemblée Nationale en procédure accélérée. Dans ce texte, nous avions pu observer au sein de la Section 2 au §39 les dispositions suivantes :

« 6° Le Premier ministre peut, le cas échéant dans le cadre des mesures prévues aux 1° à 5°, subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. »

De plus, l’introduction récente d’un décret permettant la mise en place de QR code dans les lieux recevant du public afin d’organiser un traitement des données en lien avec l’application TousAntiCovid pourrait être perçu dans une certaine mesure comme un préparatif normatif au déploiement d’un passeport Vert. A ce propos, la CNIL, dans son avis concernant ce décret et ces nouveaux dispositifs, a demandé des précisions sur cet outil. Elle a notamment insisté sur le fait de savoir si les QR Code étaient destinés à subordonner l’accès à ces lieux publics par les citoyens.

Le passeport vert : un outil déjà déployé dans le privé et en Israël

Dernièrement, nous avons pu assister à la mise en place de telles mesures dans le secteur privé. En novembre, L’Association internationale du transport aérien (IATA), a par exemple lancé le « Travel Pass ». Cet outil équivalent dans son usage d’un passeport vaccinal rassemble l’ensemble des documents exigés selon le lieu de destination. De la même manière, Air France devrait déployer un dispositif similaire à partir du 11 mars : le « AOK Pass ».

De plus, outre la situation française, le passe sanitaire se met aussi en œuvre de façon plus concrète sur le territoire de certains Etats. En Israël, notamment, il a été officiellement fin février 2021. Effectivement, les résidents du pays qui se vaccinent obtiennent un badge vert attestant de leur vaccination. Ce badge vert permet notamment à ceux le possédant de pouvoir accéder à certains loisirs tels que des concerts.

Un Passeport Vert à l’échelle européenne ?

La Commission européenne a avancé début mars 2021 l’idée d’un tel passe sanitaire. En effet, Bruxelles devrait présenter dans le mois qui suit un projet de passeport vaccinal à l’échelle européenne . La présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen a évoqué en ce sens la création d’une plate-forme qui « connecterait les différentes solutions nationales ».

Plusieurs critères pourraient être pris en compte tel qu’une vaccination, un test négatif récent au Covid-19 ou encore la présence d’anticorps pour une personne qui aurait déjà été infectée par le virus. Pour ce qui est de sa forme, nous en saurons plus lors de la présentation officielle de ce projet.

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Un dispositif d’apparence avantageuse qui comporte des risques ?

Comme l’ont souligné les journalistes du Monde dans leur article sur le passeport vaccinal, un tel dispositif « repose sur l’hypothèse que les vaccinés ne soient plus contagieux s’ils venaient à recroiser le SARS-CoV-2, et se propose de certifier cet état de fait. Or, à l’heure où ces lignes sont écrites, il n’existe aucune certitude concernant la capacité des vaccins commercialisés actuellement à rendre 100 % des vaccinés sans danger pour autrui. » Ainsi, pour s’intéresser à l’efficacité du dispositif en lui-même nous partirons du postulat selon lequel la vaccination serait un processus largement efficace afin d’enrayer la propagation du virus.

Un dispositif potentiellement efficace à plusieurs niveaux ?

Le passeport vaccinal pourrait alors être d’une efficacité certaine à plusieurs niveaux. Effectivement, comme nous avons pu le constater avec l’exemple israélien, cet outil permettrait la réouverture de nombreux commerces, restaurants ou lieux culturels. La subordination de l’accès à ces lieux au passeport vert renforcerait la sécurité sanitaire. En ce sens, la certitude de ne plus transformer ces lieux en cluster serait un argument redoutable en faveur de leur réouverture. Ces lieux de cultures, de loisir, de vie sociale, ou tout simplement de consommation font partie intégrante de notre société et le poids de leur fermeture se fait de plus en plus ressentir.

Dans la même logique, le déploiement à l’échelle européenne et/ou international d’un tel dispositif permettrait de relancer le tourisme de manière optimale. Ce dernier représente une ressource nécessaire au développement économique de nombreux pays. Cela pourrait alors redonner un souffle considérable à des économies de plus en plus asphyxiées. A titre d’exemple, la Grèce a été le premier Etat à se prononcer en faveur d’un tel système. Approbation suivie ensuite par d’autres pays dépendant du tourisme tels que l’Espagne, Malte ou le Portugal.

Ainsi, dans une société libre et mondialisée, rendre l’accès à ces libertés confisquées en totalité ou partiellement depuis maintenant une année paraît indéniablement être une idée alléchante.

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Des risques de dérives non-négligeables autour de la mise en place du Passeport Vert

Pour autant, la mise en place d’un passe sanitaire comporte des risques non-négligeables d’atteinte aux droits fondamentaux. Des risques particulièrement importants si le passeport vert ne venait à prendre en compte seulement l’inoculation d’un vaccin. En ce sens, le passeport vaccinal laisserait de côté la présence d’anticorps ou la fourniture d’un test négatif comme évoqué ci-dessus.

Une rupture d’égalité entre les citoyens vaccinés et citoyens non-vaccinés ?

Le risque le plus évident serait une rupture d’inégalité entre les citoyens vaccinés et les citoyens non-vaccinés. Il y a effectivement dans cet outil une mise en balance difficile entre plusieurs principes fondamentaux. Au sein d’une société dans laquelle l’accès au vaccin n’est pas totalement équitable et dans laquelle la liberté de conscience autorise les patients à choisir ou à refuser un traitement médical, subordonner le déplacement ainsi que l’accès à certains lieux à la seule portion de la population ayant pu et ayant voulu se vacciner semble problématique. En plus d’une rupture d’égalité entre les citoyens, cela constituerait de fait une entrave avérée à la liberté de circulation au sein de l’Union. Reste à savoir si ces atteintes se justifieraient ou non par le contexte sanitaire.

Des risques de dérives consacrant une obligation de vaccination ?

Enfin, les atteintes au secret médical qu’engendrerait potentiellement la récolte de données effectuée dans le cadre du déploiement du passeport vert, pourraient se doubler d’une pression à la fois directe et indirecte exercée sur le citoyen afin qu’ils se fassent vacciner. Pour illustrer ce propos, nous pouvons notamment citer la situation israélienne. Depuis quelques jours, le gouvernement planche en effet sur l’extension du badge vert au milieu professionnel. Ainsi, la liberté de travailler pourrait se retrouver subordonner à la prise d’un vaccin. Cette discussion a entraîné une forte levée de bouclier en Israël, des manifestations ayant récemment éclaté à Tel Aviv.

Le philosophe israélien Asa Kasher est intervenu à ce sujet dans Globes. Pour lui, ce badge vert reflète « une politique incompatible avec les principes démocratiques, la porte ouverte à tous les excès ».

Effectivement, l’exemple israélien et la pression qui s’exerce petit à petit sur son peuple, nous donne un aperçu de ce qui pourrait arriver sur notre territoire. Ces dérives possibles, concernant le Passeport Vert, soulèvent alors l’hypothèse de la mise en place prochaine d’une obligation vaccinale. Le déploiement du passe sanitaire consacrerait alors potentiellement cette obligation. Sur ce point la question reste entière pour le moment.

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