ActualitésAssociations

En Normandie, la traque aux pédophiles continue

L’actualité de ces derniers jours témoigne d’une initiative surprenante ! En Normandie, une association de particuliers a décidé d’aider la police dans sa lutte contre les pédophiles et la pédocriminalité.

Mais alors ? Par quelles actions cela se traduit-il ? Qu’en est-il du cadre légal des démarches effectuées ? Quels pouvoirs ont les particuliers face à la délinquance ? Cette actualité donne l’occasion d’en apprendre un peu plus sur les initiatives que les particuliers peuvent mettre en œuvre lorsqu’ils sont confrontés à de telles situations !

Une association dédiée à la traque aux pédophiles et à la lutte contre la pédocriminalité

L’association Team Eunomie a pour objectif de dénicher les pédophiles agissant sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas moins de 37 bénévoles qui consacrent leur temps à rendre internet plus sûr pour la jeune génération. Leur méthode ? Ils créent de faux profils et se laissent approcher par les prédateurs. L’objectif est de constituer des dossiers avec des informations pertinentes et des preuves incriminantes pour faciliter le travail de la police.

 

Lire aussi : Usurpation d’identité : comment sortit de cet enfer ? 

 

Le travail effectué est énorme : le fondateur de l’association se targue d’avoir démasqué près de 418 personnes à l’échelle nationale. Pour l’heure, l’association vient de remettre 50 dossiers de pédocriminels à la police, ce qui a le mérite de faire gagner beaucoup de temps.

Pour l’association, la lutte contre la pédocriminalité passe aussi par la prévention des jeunes. En effet, certains comportements sur les réseaux sociaux limitent les risques de se faire approcher par des individus malveillants. A ce propos, l’association met à disposition sur son site internet un « pédomètre ». Ce questionnaire permet d’informer à quel niveau de risque de pédocriminalité l’adolescent est confronté selon son comportement.

D’autres ressources sont disponibles sur le site internet de l’association, notamment à destination des parents car la pédocriminalité, c’est « le premier risque auquel les parents n’ont jamais été exposés quand ils étaient enfants ».

 

Une association qui n’est pas seule dans la lutte contre les pédophiles

L’existence de plusieurs autres associations

Si Team Eunomie insiste sur l’absence de filiation avec d’autres associations comme la Team Moore, force est de constater que nombreuses sont les associations prenant le problème de la pédocriminalité à bras le corps.

L’association Team Eunomie se contente de transmettre les dossiers à la police et ne mène par conséquent aucune opération « de contact » avec les délinquants. Ce n’est pas le cas de toutes les associations, dont certaines n’hésitent pas à tendre des pièges et à appréhender elles-mêmes les pédophiles.

Par exemple, l’association Team Moore piège les pédophiles et se rendent ensuite au rendez-vous fixé pour arrêter les individus. Les membres du collectif revendiquent agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Le rayon d’action de l’association s’étend sur trois pays : La Suisse, la France et la Belgique.

En France, le phénomène est assez récent (Team Moore a été créée en mai 2019). Par contre, au Royaume-Uni, il s’agit d’un véritable phénomène de société qui dure depuis plus d’une décennie. Des associations, telles que Kong hunter ou encore Dark Justice filment les pédophiles arrêtés et diffusent leurs images sur les réseaux sociaux. La véritable identité des piégés est également révélée sur internet.

Au Royaume-Uni, la méthode expéditive de ces associations est tolérée et peut même être le fruit d’un travail d’étroite collaboration avec les autorités locales. La synergie entre associations et police se révèle somme toute fructueuse puisqu’une interpellation sur deux serait due à un travail préalable effectué par une association.

 

Des unités de polices spécialisées

La police nationale a également cerné l’ampleur des pratiques pédocriminelles. Elle y a même dédié un centre de lutte contre les criminalités numériques pour surveiller le réseau internet mondial.

Situés à Cergy-Pontoise,  650 employés du pôle judiciaire œuvrent à la lutte contre les pédocriminels et autres délinquants.

Cependant, les aides des associations telles que Team Eunomie ne sont pas de refus, tant qu’elles restent dans le respect de la loi et à la connaissance de la police.

 

Quelles sont les limites qui s’imposent aux particuliers dans leur traque aux pédophiles ?

Un cadre légal clair…

De manière générale, aucune obligation ne concerne les citoyens à propos de la dénonciation de crimes. Cependant, une exception existe concernant les crimes sur les enfants. Tout le monde a l’obligation de signaler les situations d’abus sexuels et d’abus physiques sur un enfant au Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ). C’est donc faire preuve de civisme que de participer à la lutte contre la pédocriminalité.

Enfin, le code pénal sanctionne les comportements relevant de la pédocriminalité et de la pédophilie sans pour autant utiliser ces termes spécifiques. Le code pénal, en son article 222-25, définit le délit « d’atteinte sexuelle sur mineure de 15 ans » qui prévoit une sanction même si le mineur est consentant.

 

Lire aussi : Coronavirus et Justice : état des lieux

 

… mais qui n’octroi pas aux particuliers de pouvoirs spécifiques  !

En France, la Justice est le monopole de l’Etat .Il  ne saurait être admissible que des particuliers la pratiquent eux-mêmes. Il ne faut pas non plus oublier le cadre processuel très strict et les exigences de preuves prévus par les textes qui sont autant de contraintes à respecter.

Contrairement à ses homologues britanniques, l’association Team Moore ne dévoile pas la véritable identité des pédophiles. Cependant, cette précaution n’empêche l’irrespect de certains aspects du droit français .

Lorsque des informations personnelles sont divulguées, comme l’adresse par exemple, le droit à la vie privée peut être sérieusement menacé. De même, les pratiques de dénonciation publique sur internet mettent à mal la présomption d’innocence. Cela soulève aussi de nombreuses questions en terme de droit à l’image également. Il ne faut pas non plus négliger les actions en diffamation possibles de la part des personnes mises en cause !

Enfin, il existe en droit un principe de loyauté dans l’admission des modes de preuve. En cela, si une association enregistre les conversations entretenues avec un pédophile piégé, elle doit prendre garde à ne pas initier elle-même les propos à tendance pédophile. Le pédocriminel doit de sa propre initiative orienter la conversations constitutive de la preuve. Outre le souci de loyauté de la preuve, la force probante des pièces du dossier pourrait se voir grandement diminuée auprès du juge.

Des problèmes plus techniques peuvent également apparaître. Par exemple, les erreurs sur la culpabilité de la personne existent. Le préjudice subi par la personne innocente est alors très difficile à vivre, voir traumatisante ! De plus, certains membres d’association peuvent se montrer violents ou, de par leur révélation, inciter au cyberharcèlement. Nombreux sont des les points de crispation que centralisent de telles pratiques de délation, qui l’on peut  finalement apparenter à un lynchage public.

 

En plus, ces initiatives privées peuvent être contraignantes pour la police !

Lorsque les associations agissent indépendamment des actions de la police, cela peut même poser de sérieuses difficultés à cette dernière ! Le Chef de l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), François-Xavier Masson, rappelle que les enquêtes policières, tout comme la justice, a besoin de calme et de sérénité. Chose qui semble compromise par la publication sur les réseaux sociaux de vidéos chocs de pédophiles piégés. En outre, si le pédophile n’est pas immédiatement arrêté par la police, il sera dans la possibilité de détruire les éventuelles preuves de ses autres infractions avant d’être convoqué de nouveau.

 

La pédocriminalité, un phénomène cruellement d’actualité

Avec le confinement que nous avons connu, la pédocriminalité a grandement proliféré sur la toile. C’est ce qu’alerte notamment l’association Team Moore, où les membres en charge du signalement des contenus ont connu une hausse significative de travail. Europol fait le même constat en relevant une hausse des tentatives d’accès à des sites illégaux à caractère pédopornographique.

La sortie du confinement sera un défi de taille pour les associations et les services de police, tant au niveau de la hausse de l’activité des pédophiles que du dépistage des victimes traumatisées.

Avec un accès de plus en plus précoce au réseau sociaux, la pédocriminalité risque malheureusement de perdurer. Tout porte à croire que la police et les associations auront encore du pain sur la planche !

Tags
Afficher plus

Laisser un commentaire

Articles similaires

Fermer