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Affaire Darmanin : de nouveaux rebondissements dans l’affaire d’Etat
Véritable épine dans le pied des marcheurs, l’affaire Darmanin ne perd pas de sa notoriété et pèse sur la majorité. Elle a notamment connu un tournant médiatique suite à la récente nomination du principal intéressé au poste du ministère de l’intérieur. Si certains s’en offusquent, le gouvernement fait bloc et avance la présomption d’innocence.
Si ce n’est pas la première affaire judiciaire que connait un homme politique au cours de ses fonctions, force est de constater que, après #Metoo, celle-ci passe mal. Mais qu’en est-il concrètement ? Où en est la procédure ? Comment s’organise la défense du ministre Darmanin ?
Bref rappel des faits de l’affaire Darmanin
En 2004, Sophie Patterson-Spatz essuie une condamnation (10 mois de prison avec sursis et 15 000€ de dommages et intérêts) pour avoir menacé et harcelé son ex petit ami. N’acceptant pas ce verdict, elle multiplie les démarches pour obtenir la réouverture de son dossier.
Elle va rencontrer Gerald Darmanin en 2009, ce dernier occupant alors un poste de chargé de mission au service des affaires juridique de l’UMP. Sophie Patterson-Spatz lui demande d’adresser une lettre au Garde des Sceaux pour que son dossier soit réexaminé.
C’est à ce moment que les propos des deux intéressés divergent. Sophie Patterson-Spatz prétend que Gerald Darmanin accepta de le faire à condition d’avoir des relations intimes. Gerald Darmanin, de son côté, nie toute idée de contrepartie et affirme que la relation était librement consentie.
En 2017, Sophie Patterson-Spatz dépose une première plainte qui va enclencher une enquête préliminaire menée par le parquet de Paris. Cependant, malgré quatre relances, la plaignante ne s’est jamais présentée aux convocations. Cela n’étonne pas Gerald Darmanin qui y voit une preuve de la fausseté des déclarations. La plainte en question est donc rapidement classée sans suite. Mais, quelques mois plus tard, une seconde plainte est déposée, cette fois-ci avec constitution de partie civile. Elle se soldera en 2018 par un non-lieu au profit du ministre.
Sophie Patterson-Spatz n’est cependant pas la seule personne à accuser l’actuel ministre de l’intérieur. Une autre plaignante, habitante de Tourcoing, affirme s’être sentie obligée d’avoir des relations avec Gerald Darmanin. Sa plainte a toutefois été classée sans suite.
Mais, concrètement, où en est la procédure ?
Si les faits remontent en 2009, l’affaire judiciaire n’en est pas finie pour autant. Malgré un non-lieu rendu par le juge d’instruction en août 2018 , l’affaire médiatico-judiciaire se remet en mouvement. Le 9 juin 2020, la cour d’appel de Paris décide de reprendre les investigations à propos des accusations de viol dont Gerald Darmanin fait l’objet.
Ce qui est original, c’est que la reprise de l’enquête n’est pas due à de nouveaux éléments. Elle s’explique par l’absence d’auditions et de confrontations menées par le juge d’instruction. Si Me Elodie Tuaillon-Hibon, l’avocate de la plaignante, se félicite qu’une enquête digne de ce nom puisse avoir lieu, les avocats de la défense, Me Pierre-Olivier Sur et Me Mathias Chichportich, expliquent cette dernière par un souci de formalité et de recevabilité.
La nouvelle stratégie des avocats
Gerald Darmanin étant un personnage public et politique, l’affaire judiciaire est suivie de près par de nombreuses personnes. Des groupes de militants féministes l’ont d’ailleurs pris à partie durant ses déplacements pour le dénoncer. Mais, l’affaire n’étant pas jugée, Gerald Darmanin a droit à la présomption d’innocence. C’est ce qui lui permet notamment de conserver son poste de ministre et de bénéficier du soutien de nombreuses personnalités politiques.
Face à l’ampleur de l’indignation et à la véhémence de certains militants, Me Pierre-Olivier Sur et Me Mathias Chichportich, préviennent que tout propos diffamatoire fera l’objet de poursuites judiciaires. D’ailleurs, ils rappellent que le ministre a déjà déposé plainte pour « dénonciation calomnieuse » à l’encontre de Sophie Patterson-Spatz.
L’action en diffamation, un risque mesuré !? Pour préserver la présomption d’innocence, les avocats de Gerald Darmanin menacent d’attaquer en diffamation tout propos condamnant le ministre. Ce qui est intéressant, d’un point de vue juridique, c’est que l’une des défenses possibles contre l’action en diffamation est de prouver la véracité des faits allégués. Or, justement, une telle preuve est l’enjeu de l’affaire en elle-même et ne semble pas si évidente que ça à trouver…
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Quoi qu’il en soit, la menace d’une action en diffamation contre ceux accusant ouvertement Gerald Darmanin présente un effet dissuasif indéniable. La question est de savoir si cela suffira-t-il à calmer l’emballement médiatique dont cette affaire fait, depuis quelques mois, l’objet.
Comment l’exécutif réagit-il ?
Sa nomination place Beauvau le prouve, Gerald Darmanin bénéficie de la confiance du Président et du Premier ministre. A ses côtés, c’est l’ensemble du gouvernement et d’une grande partie de la classe politique qui expriment leur soutien au nouveau ministre de l’intérieur.
Ainsi, 200 élus ont signé une tribune pour soutenir Gerald Darmanin. Certains y dénoncent même une condamnation médiatique. Il est vrai que pour un personnage politique, une telle affaire s’avère être particulièrement dommageable.
Mais, pour autant, c’est l’image même du gouvernement qui pourrait souffrir d’une telle affaire. Certains y voient une régression quant aux droits et à la reconnaissance des femmes, à l’image d’un revers de bâton après la dynamique #Metoo.
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La démission de Darmanin ne semble pas d’actualité à ce niveau là de l’affaire. Si le devoir d’exemplarité et de moralité du gouvernement s’en trouve menacé, son choix se porte sur celui du respect de la présomption d’innocence et de la confiance dans notre justice. Reste à déterminer à quel stade judicaire l’éventuelle question du maintien du ministre de l’intérieur se posera-t-elle sérieusement.
Une nouvelle enquête en vue dans l’affaire Darmanin ?
Outre les plaintes pour viol dont il fait objet, Gerald Darmanin se voit ciblé d’une nouvelle plainte déposée par l’association « Pouvoir féministe ». Cette fois si, l’accusation porte sur un « trafic d’influence » à propos des faits évoqués concernant l’habitante de Tourcoing. L’association déclare avoir trouvé des documents supplémentaires probants et a adressé une plainte directement auprès du Procureur de la République. C’est ce dernier qui décidera de la réouverture de l’affaire.