Actualitésjustice

Arbitrage Tapie : la défense attaque « les preuves manquantes »

Au lendemain du réquisitoire du ministère public contre Bernard Tapie, sa défense a dénoncé « une belle histoire », une « leçon de morale » sans preuve. Source AFP

La parole est à la défense. Au lendemain de lourdes réquisitions contre Bernard Tapie et quatre autres protagonistes dans l’affaire de l’arbitrage « truqué » de 2008, la défense a commencé mardi à Paris ses plaidoiries de relaxes, dénonçant « une belle histoire » mais des « preuves manquantes ».

Lundi soir, le ministère public a demandé des peines de prison contre cinq des prévenus – et la relaxe pour un sixième – jugés devant le tribunal correctionnel, plus de dix ans après l’arbitrage ayant octroyé 403 millions d’euros à Bernard Tapie pour solder son vieux litige avec le Crédit lyonnais lié à la revente d’Adidas, et depuis annulé au civil pour « fraude ».

Cinq ans ferme pour « escroquerie » et « détournement de fonds publics » ont été requis contre l’homme d’affaires, affaibli à 76 ans par un double cancer, et des peines allant de trois ans d’emprisonnement, dont 18 mois ferme, à trois ans ferme à l’encontre des « complices » et des « co-organisateurs » de cet arbitrage « truqué ». La plus lourde peine ayant été requise contre Bernard Tapie, absent à l’audience mardi, ses avocats plaideront les derniers, jeudi après-midi, avant que le tribunal ne mette sa décision en délibéré.

Mardi après-midi, ce sont donc les avocats des deux ex-agents publics renvoyés pour « complicité », l’actuel patron d’Orange Stéphane Richard et le haut fonctionnaire Jean-François Rocchi qui se sont d’abord attachés à démonter les « mensonges », « fictions » et « contre-vérités » retenus comme éléments à charge selon eux.

« Leçon de morale »

Quand il était le directeur de cabinet à Bercy de Christine Lagarde en 2007, Stéphane Richard « ne s’est pas réservé le dossier Adidas, c’est faux », a lancé l’un des avocats du PDG d’Orange, Me Pierre Cornut-Gentille. « Il n’a rien dissimulé » à la ministre de l’Économie, ce qu’elle a confirmé, a-t-il insisté. Christine Lagarde avait été condamnée fin 2016 pour « négligence » par la Cour de justice de la République pour ne pas avoir exercé de recours contre la sentence arbitrale rendue en juillet 2008.

Pour le parquet, qui a également demandé une interdiction d’exercer toute fonction publique pendant cinq ans contre Stéphane Richard, celui-ci avait présenté le litige à Christine Lagarde de façon « tronquée » pour permettre l’entrée en arbitrage et lui avait tu la présence de Bernard Tapie lors d’une réunion cruciale à l’Élysée, en juillet 2007.

Lire aussi Arbitrage : 5 ans de prison requis contre Bernard Tapie pour « escroquerie »

Un « bouc émissaire »

« La thèse de l’accusation, bien entendu non vérifiée, est que Nicolas Sarkozy et Bernard Tapie ont conclu un pacte implicite et cette réunion est présentée comme le début de la mise en œuvre du pacte », a souligné l’autre défenseur du PDG d’Orange, Jean-Étienne Giamarchi. Mais dans ce cas, Stéphane Richard « est un bouc émissaire », il est « victime du fait que les juges n’ont pas pu s’en prendre à Nicolas Sarkozy du fait de son immunité [présidentielle] », a relevé Me Cornut-Gentille.

Pour Me Giamarchi, l’énarque de 57 ans est aussi victime d’une « sorte de supercherie de l’accusation, qui consiste à dire qu’être en faveur de l’arbitrage traduit nécessairement une connivence avec Bernard Tapie ». Dans ce dossier, « la démonstration peine, les preuves manquent » et le réquisitoire était « une leçon de morale mais certainement pas une leçon de droit », a-t-il critiqué. « On nous a raconté une belle histoire, mais il manque quelque chose : des faits accablants qui s’appellent des preuves ! » avait auparavant dénoncé Jean-Alain Michel, l’avocat de l’ex-président du Consortium de réalisation (CDR) Jean-François Rocchi.

Les plaidoiries continuent demain dans l’affaire de l’Arbitrage Tapie.

Arrivé fin 2006 à la tête de cette entité chargée de gérer le passif du Crédit lyonnais, Jean-François Rocchi est accusé d’avoir lancé des « négociations poussées » avec la partie Tapie pour imposer la solution de l’arbitrage aux administrateurs du CDR. « Mais c’est prendre ces administrateurs pour les perdreaux de l’année », a appuyé Me Michel.

L’avocat du fonctionnaire Bernard Scemama, Christophe Bigot, avait dans la matinée « ouvert le bal » des plaidoiries, demandant au tribunal de confirmer la relaxe requise par le parquet pour son client. Mercredi, la parole sera donnée aux avocats de l’ancien avocat de Bernard Tapie, Maurice Lantourne, et à ceux du haut magistrat et arbitre Pierre Estoup, dont les « liens anciens et réguliers » ont permis la réalisation de cet arbitrage « truqué » selon l’accusation.

Tags
Afficher plus

Laisser un commentaire

Articles similaires

Fermer