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Projet de loi Climat et Résilience : les vols intérieurs bientôt interdits ?

Les députés se sont réunis ce dimanche 14 mars afin d’examiner certaines dispositions du Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Cette commission spéciale a notamment donné lieu au vote des articles 36 et 37 de ce projet de loi Climat issu de la Convention citoyenne homonyme. Articles 36 et 37 vis à vis desquels les députés se sont prononcés favorablement. De nombreuses interrogations viennent alors alimenter le débat autour de ces mesures. Les vols intérieurs vont-ils être interdits ? Dans quelles mesures ? Quels sont les enjeux derrière ces dispositions ? Legalissimo répond à ces différentes questions pour vous aujourd’hui.

Que disent les articles 36 et 37 du Projet de loi Climat ?

Observons d’abord le texte des articles 36 et 37 tels que proposés aux députés.

L’article 36 :

L’Article 36 de ce projet de loi concernant l’interdiction des vols intérieurs dispose :

« II. – Sont interdits, sur le fondement des dispositions de l’article 20 du règlement (CE) n° 1008/2008 mentionné au I, les services réguliers de transport aérien public de passagers concernant toutes les liaisons aériennes à l’intérieur du territoire français dont le trajet est également assuré par les voies du réseau ferré national sans correspondance et par plusieurs liaisons quotidiennes de moins de deux heures trente.

Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du précédent alinéa, notamment les caractéristiques des liaisons ferroviaires concernées, qui doivent assurer un service suffisant, et les modalités selon lesquelles il peut être dérogé à cette interdiction lorsque les services aériens assurent majoritairement le transport de passagers en correspondance ou peuvent être regardés comme assurant un transport aérien majoritairement décarboné.»

 

L’article 37 :

L’Article 37, réglementant quant à lui la construction d’aéroport ou l’extension de ceux déjà existant, prend la forme suivante :

« I. – Après l’article L. 122‑2 du code de l´expropriation pour cause d’utilité publique, il est inséré un article L. 122‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 122‑2‑1. – I. – Les projets de travaux et d’ouvrages ayant pour objet la création ou l’augmentation des capacités d’accueil des aéronefs, des passagers ou du fret d’un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique ne peuvent être déclarés d’utilité publique en vue d’une expropriation en application du présent code s’ils ont pour effet d’entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité aéroportuaire par rapport à l’année 2019.

« II. – Sont toutefois exclus de l’application du I les projets de travaux et d’ouvrages relatifs à l’aérodrome de Nantes‑Atlantique, jusqu’au 31 décembre 2036, à l’aérodrome de Bâle‑Mulhouse et aux hélistations. Il en va de même des projets de travaux et d’ouvrages relatifs aux aérodromes situés dans une collectivité mentionnée à l’article 72‑3 de la Constitution, ainsi que de ceux rendus nécessaires par des raisons de sécurité, de défense nationale ou de mise aux normes réglementaire.

« III. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise notamment les modalités, d’une part, de détermination des travaux et ouvrages susceptibles d’entraîner une augmentation des capacités d’accueil des aérodromes et, d’autre part, d’appréciation du respect de la condition relative à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre prévue au I. Cette appréciation tient compte notamment de l’évolution prévisionnelle à moyen terme du trafic aérien par rapport à la date prévue d’achèvement de l’opération, des émissions des aéronefs et de leur compensation. »

 

Ce que signifient concrètement ces dispositions du Projet de loi Climat :

Les vols intérieur bientôt interdits ?

Effectivement, l’article 36 du projet de loi Climat vise à interdire les liaisons aériennes intérieures dans certaines conditions. L’objectif consistant à réduire les émissions de carbone, les vols se verront alors proscrits dès lors qu’il existera une alternative moins polluante, par un autre moyen de transport collectif dont la durée du trajet n’excéderait pas 2h30.

Cette interdiction qui prendra effet en mars 2022 ne semble toutefois pas absolue. La dernière partie de l’article 36 nous indique en effet l’existence de conditions d’aménagements à cette interdiction concernant les passagers en correspondance et les services aériens majoritairement décarbonés. Un décret fixera ainsi ces modalités d’exceptions.

Une limitation de construction ou d’extension des zones aéroportuaires ?

Toujours dans un objectif de lutte contre le dérèglement climatique, l’article 37 vient encadrer le développement des capacités aéroportuaires. En ce sens, il vient notamment interdire l’octroi de la qualification d’utilité publique pour la constructions de nouveaux aérodromes ou pour l’extension de ceux déjà existants. La mesure, au‑delà de ses impacts sur les émissions de gaz à effet de serre, vise également à limiter la consommation de nouvelles surfaces et l’artificialisation des sols.

Les auteurs de ce projet de loi ont toutefois prévu des dérogations. Cette limitation ne concernera pas les ouvrages ou travaux relatifs aux aérodromes de Nantes‑Atlantique et de Bâle‑Mulhouse. Les hélistations se voient aussi exclues de ce dispositif. Enfin, l’article 37 pose une dérogation pour les travaux rendus nécessaires par des raisons de sécurité, de défense nationale ou de mise aux normes réglementaires.

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Article 36 & 37 du Projet de loi Climat : Des dispositions sources de débats

La présentation et la validation par les députés de ces dispositions du projet de loi Climat ont suscité de nombreuses réactions dans la sphère médiatique. Les avis divergent et, parfois même, s’opposent. Pour certains ces mesures sont insuffisantes face à l’urgence climatique. Pour d’autres, ces mesures trop strictes pourraient conduire à un véritable déséquilibre sur le marché des transports. Enfin, d’aucuns voient en ces dispositions un équilibre satisfaisant au vu des problématiques actuelles.

Des mesures insuffisantes face à l’urgence climatique ?

Au sein des milieux proches de l’écologie, certains ont tout d’abord regretté un laxisme de l’article 36 principalement. En effet ce projet de loi Climat résulte de la Convention citoyenne pour le climat. Cette convention, lancée en 2019, consistait à tirer 150 citoyens au sort afin d’élaborer des propositions s’inscrivant dans une démarche de transition environnementale. A l’issu de ce travail, la proposition d’interdiction des vols internes émergea. Pour autant, l’idée initiale consistait en l’interdiction de tous les vols intérieurs aux territoires dès lors qu’il existait un trajet alternatif dont la durée n’excédait pas 4 heures.

Cet abaissement de la durée du trajet alternatif à 2h30 vient donc restreindre le champs d’application de la mesure en cause et réduire, de facto, l’effectivité du droit dans la prise en compte des enjeux environnementaux. Ajouté à cela les dérogations possibles diminuant encore l’effectivité du nouveau dispositif, il est donc aisément compréhensible que cela ait pu faire grincer les dents de certains. Delphine Batho, députée et ancienne ministre de l’écologie a notamment réagi à ce propos sur son compte Twitter.

Des mesures trop contraignantes comportant des risques pour le marché des transports ?

D’autres part, certains élus MoDem comme Nicolas Turquois ont réclamé la suppression de cet article. Selon eux, la crise sanitaire a mis la filière aérienne « à terre« . Cette dernière qui ne tiendrait plus que « par les subsides publics » se verrait porter un coup fatal avec la mise en place de telles mesures. Par ricochet, cet article aurait alors des conséquences non seulement sur le marché des transports mais aussi sur le marché de l’emploi en particulier dans le secteur aérien.

De plus, des craintes ont émergé à propos d’un risque d’explosion du prix du billet de TGV. Le transport ferroviaire se positionnant comme l’alternative idéale aux vols domestiques courts, il devrait bénéficier directement de cette interdiction. Le risque réside dans le fait de voir les prix du billets grimper de manière exponentielle. Cette augmentation pourrait alors conduire le consommateur à se détourner vers le car ou la voiture. De telles conséquences seraient contre-productives à toute logique de réduction d’impact carbonique.

Enfin, certains avis plus modérés voient en ces dispositions un juste milieu satisfaisant et une avancée considérable en la matière. Le co-rapporteur Jean-Marc Zulesi (LREM) revendiquant en ce sens le « bon équilibre » de l’article. Equilibre d’autant plus satisfaisant qu’il ferait de la France le « premier pays à acter dans la loi » une telle mesure.

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